L'Albanie est un pays où l'on ne plaisante pas. C'est le pays où l'on ne meurt jamais, un pays fait de poussière et de boue où la peur est un mot dénué de signification et où le soleil brûle «áau point que, parfois, les feuilles de vigne rouillent et la raison se met à fondreá». Dans ce pays, «áune jeune fille doit faire très attention à sa "fleur immaculée", car "un homme se lave avec un bout de savon et redevient comme neuf, mais, une fille, même la mer ne la lave pas"á».
Comment traverser l'enfance et l'adolescence quand l'esprit de tout un peuple se fonde sur la thèse unique qu'une belle fille est nécessairement «áune puteá», faire des projets d'avenir lorsque l'on a un père détenu en prison pour de mystérieuses raisons politiques, résister au machisme ambiant et aux regards qui pénètrent jusqu'à la moelle des os, rêver de bonheur et d'exil en évitant la pendaison, étudier sans courroucer la Mère-Parti, et surtout comment parvenir à saisir la première occasion de fuirá? . la fois triple et unique, l'héroïne Elona-Ornela-Eva tente de déjouer les pièges et de se construire une identité loin des modèles imposés. «áDans notre cher pays où l'on ne meurt jamais, où les corps sont faits de plomb, nous avons un adage, un adage très profondá: "Vis, que je te haïsse, et meurs, que je te pleure."á»

Ornela Vorpsi ne mâche ni ses critiques, ni ses mots. Avec ce roman sans complaisance de la dictature, elle fait une entrée fracassante en littérature et s'impose comme la relève du plus emblématique des écrivains albanais, Ismail Kadaré.